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Bobigny /

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Nom : ABDERRAHMANE

 

Prénom : Kamel

Âge : 27 ans

Lieux d'intervention : Bobigny, Seine-Saint-Denis, FRANCE

 

Raconte nous un peu ton histoire ?

 

En 2010, quand j'étais encore jeune, des grandes sœurs du quartier ont créé l'association MEJLESS. C'est l'acronyme de Mixité-Éducation-Jeunesse-Loisirs-Équité-Solidarité-Social.

 

Elles avaient ciblé ces champs. Les actions sont plurielles, que ce soit sociales, familiales, la parentalité, le voisinage. La structure essaye de combler au maximum les petits manques que les institutions n'arrivent pas à toucher.

 

À l'âge de 13 ou 14 ans, je suis devenu bénévole. Au début, je donnais simplement un coup de main pour organiser les fêtes. Et petit à petit je suis entré dans l'organisation. Ces grandes sœurs avaient leur vie de famille, leur vie professionnelle. Elles avaient de plus en plus de mal à continuer.

Peux-tu nous parler de ton engagement ? :

 

En 2014, avec 3 autres personnes, et d'un commun accord, on a proposé de reprendre le flambeau. On a apporté un second souffle, une nouvelle motivation. On leur a juste demandé de nous aiguiller, car on ne connaissait pas ce monde là. Mais on n'avait pas peur d'apprendre sur le tas.

 

On a décidé de changer l'objet de l'association pour intervenir sur plus de champs d'action. La structure est organisée en 3 pôles : famille, enfance et jeunesse. Chaque membre de la direction gère un pôle selon ses compétences.

Moi je suis en charge du pôle jeunesse. Une autre personne s'occupe du pôle famille car elle est déjà directrice d'un Centre Social. La dernière est Conseillère en économie sociale et familiale et gère donc le pôle enfance. On passe beaucoup de temps à répondre aux appels à projets pour obtenir des fonds. C'est fait en dehors de notre travail, sur notre temps perso. On obtient pas toujours ce qu'on veut, mais on fait avec.

 

Au départ, on s'est vraiment appuyés sur notre motivation mais très vite on a été victime de notre succès. On a eu de plus en plus d'adhérents. Notre champ d'action s'est également élargi en incluant d'autres quartiers de Bobigny et plus seulement Paul Éluard. À l'époque les associations de Bobigny se limitaient à leur quartier et n'interagissaient pas. Notre idée était d'aller dans chaque quartier pour créer des partenariats. Par exemple, lors de nos fêtes, on les invite. En retour, elles nous invitent aux leurs. Quand on organise des sorties, on réserve quelques places pour les autres structures... Avec ce système, on a créé des relations inter-quartiers. Les habitants ont noué des relations. On va pas jusqu'au Bobigny unifié, mais il existe désormais des liens.

 

Donc depuis 2014 on charbonne, on travaille dur. Ça fait 5 ans qu'on est dedans, et on est pas prêts d'en sortir. Notre but est de consolider l'association pour que les jeunes adhérents puissent plus tard la reprendre. Comme nous l'avons fait il y a 5 ans. Pour que l'association perdure. Mais on sera toujours là, qu'on déménage ou qu'on ne soit plus Balbyniens, on aura toujours un lien avec notre ville.

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Quelle est ta motivation ? :

 

Ça part d'un manque.

 

Déjà, s'il n'y avait pas eu cette association, j'aurais pu mal tourner, comme tant d'autres. Ma cité est divisée en 4 dalles. Même si on a tous trainé ensemble, on a tous eu notre chemin. Il y avait tout ce qu'il fallait en bas de chez moi pour mal tourner, même si on était à 200m de la mairie. Mais MEJLESS a été un rempart.

 

Ensuite, ma motivation c'était de faire avancer les choses, juste ça. On est tous issus de la mixité, de la migration. On vit dans des quartiers qui sont un peu délabrés, un peu oubliés. Mais l'objectif c'est de les améliorer.

 

Quand un jeune du 93 réussit, c'est par le sport, le rap, la musique, mais on ne met jamais en lumière les grands entrepreneurs, les diplômés, les conférenciers...ni même les actions sociales. Je voudrais que dans les journaux, on ne parle pas mal du 93. Je veux pas attirer la lumière sur moi, j'agis simplement. Mais je veux juste qu'on éclaire la banlieue d'une autre façon, hors des thèmes classiques du foulard, de l'immigration, de la pauvreté, de la violence, de la drogue... Si on parle des côtés positifs, ça s'arrêtera à Kylian Mbappé, aux grands rugbymens, aux grands rappeurs... C'est super, mais on parle pas des entrepreneurs, des grands acteurs sociaux qui ont fait bouger les choses, des gens qui améliorent les conditions de vie de tous les jours. Et ça, c'est un grand manque.

 

En parallèle, faut pas s’apitoyer sur notre sort. Faut sortir des clichés où l'on nous donne rien et on reste inactif. Faut pas attendre qu'on nous donne quoique ce soit, faut le prendre. C'est notre dû. C'est ce que je veux transmettre aux autres. Arrêtez d'attendre, bougez. Critiquer c'est qu'il y a de plus simple. Mais réaliser quelque chose c'est le plus dur. Malheureusement c'est un long combat mais j'ai un petit espoir pour cette jeunesse car elle a compris ce système.

 

Il existe des moyens à disposition. L’État et les municipalités ont mis à disposition des dispositifs pour créer des boites, comme les pépinières par exemple. La Seine-Saint-Denis est le département où il y a le plus grand nombre de créateurs d'activités, même si c'est le département le plus pauvre. Tous ces gens créent de la richesse. Ces jeunes ont de l'envie. Même s'ils n'ont pas fait de grandes études, qu'ils n'ont pas les bagages pour être entrepreneurs, s'ils n'ont pas les connexions et le réseau... Il faut valoriser ça, le mettre en lumière.

 

Ma motivation est plurielle, même si mon principal combat c'est la cohésion sociale.

 

C'est aussi améliorer les conditions de vie de mon quartier, de la ville. Aider les familles monoparentales à s'en sortir, sans être dans l'assistanat. Par exemple, on organise des sorties culturelles à proximité. L'objectif est que les familles y retournent d'elles mêmes. Il y a tellement de choses à faire et à voir à Paris et dans la région parisienne. L'association finance la moitié de la sortie. Le reste est à la charge des familles. On ne veut pas du "tout gratuit", on estime que la gratuité n'aide pas. On est juste là pour les guider.

 

On vise l'émancipation, que ce soit des jeunes, des enfants, des parents... Rentrer dans l'assistanat c'est un cercle vicieux, ça crée de la dépendance. Les grands frères nous ont poussé dans ce sens.

 

Je me rappelle qu'à quelques mois de passer le bac, un grand frère m'a vu trainer en bas de chez moi avec mes potes. Il me dit "qu'est-ce que tu fous là!!". Il insiste et me dis de rentrer pour réviser mon bac. Et en fait, il avait raison. Mes potes se sont moqués de moi mais je suis rentré pour réviser. Quand j'ai eu mon bac, je suis allé le voir pour lui dire que la pression qu'il m'avait mis m'avais permis d'obtenir mon diplôme. Et il m'a poussé à continuer.

 

J'ai toujours cette persévérance. Cette année j'ai repris mes études, je continue ma licence. La dernière fois, je recroise ce grand frère et le lui dit. Il me répond, "maintenant tu continues jusqu'au Master. Quand sur ton CV il y a écrit "Master", tu es respecté. Ton salaire va avec, pas comme pour nos parents...".

 

Ces paroles, ces échanges restent dans la tête, te booste. J'ai envie de transmettre ça. C'est aussi pour cette raison que j'ai repris le pôle jeunesse, c'est un moment clé dans la vie. Si quelqu'un te suit, te motive, te parle souvent, ça te permet de réfléchir et de relativiser.

Une phrase qui te décrit :

 

Cette phrase de Nelson MANDELA : "Les jeunes d'aujourd'hui sont les leaders de demain".

Ce que tu souhaites laisser aux générations futures :

 

Un bouquin où il serait écrit "comment réussir sa vie".

Comment on pourrait te soutenir ? :

Plusieurs moyens : cliquer sur la page Facebook, liker une photo, partager, venir aux galas organisés par les jeunes, venir aux soirées. C'est pas forcément soutenir financièrement l'association, mais juste venir. Voir comment ces jeunes se mobilisent et s'activent. Remplir les salles quand ils organisent un événement. Passer les voir, montrer son soutien, donner un coup de main... Simplement regarder ce qu'on fait.

(Pour information, l'association MEJLESS organise notamment des séjours famille mais également des voyages solidaires (Afrique du Sud, Maroc...). Les jeunes bénévoles travaillent sur place avec des associations, des écoles, des orphelinats. En parallèle, ils découvrent la culture, visitent le pays. Une grande partie des fonds sont récoltés par les jeunes durant l'année.)

Un dernier mot :

 

Juste : quand on veut, on peut.

Le contexte : J'ai rencontré Kamel lors d'un atelier photo que j'animais pour son association. Le feeling est très vite passé. C'est d'ailleurs son association qui a emporté le concours photo pour lequel j'étais intervenu. Nous avons ensuite gardé contact et par la suite je lui ai demandé de participer à mon projet. Il a tout de suite accepté. Merci à toi.

Interview réalisée le 23 janvier 2019 à Bobigny

Suivre ses aventures :

   Instagram : Association MEJLESS

   Facebook : Association MEJLESS

 

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