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Waterloo, Belgique /

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Nom : DECKER

Prénom : Sylvie

Âge : 41 ans

Lieux d'intervention : Waterloo, BELGIQUE

 

Raconte nous un peu ton histoire :

 

J'ai grandi dans un petit village au sud de la Belgique, frontalier avec la France. Je me suis toujours intéressée aux autres cultures. Je me rappelle que déjà toute petite j'allais régulièrement rendre visite à une famille turque qui vivait dans le village. J'imagine qu'il devait y avoir de l'animation et de la chaleur humaine.

 

Sinon, j'étais très, très curieuse et tout ce que je voulais, c'était quitter mon village pour voir d'autres horizons et d'autres cultures.

 

De plus, j'avais aussi un arrière grand-père qui était dans la résistance et aidait des personnes à passer la frontière. Il a été dénoncé et est mort dans une prison allemande. Je crois que oui, j'ai l'impression d'être la continuité de cet arrière grand-père.

Peux-tu nous parler de ton engagement ? :

 

J'ai commencé à participer à l'hébergement de réfugiés via la plateforme citoyenne quand j'habitais à Bruxelles (en Belgique, l'hébergement de réfugiés par les particuliers est légal, ndla). C'était en février 2018. Je revenais d’Égypte, où j'ai vécu pendant 5 ans. J'ai intégré une colocation où on a décidé d'héberger des migrants. Avant ça, je regardais cette plateforme citoyenne d’Égypte. Elle s'était mise en place quelques mois auparavant. Je me disais que ce mouvement était trop génial. Et que c'était trop bête que je ne sois pas là pour y participer. D'autant plus que par le passé, j'avais déjà participé à des mouvements de protection des migrants.

 

Dans cette coloc, on a commencé avec trois personnes. Puis, parfois, c'est passé à cinq. C'est là que j'ai rencontré des Éthiopiens et des Érythréens. Je ne connaissais pas les problèmes là-bas, ni la culture, ni les langues... Et là, je suis tombée amoureuse de cette culture. Mais l'idée était que je repartes en Égypte. Cependant quand j'y suis retournée, j'ai rapidement voulu revenir en Belgique pour continuer à soutenir mes copains.

 

Eux, en fait, ils essayent juste d'aller en Angleterre. C'est tout ce qu'ils font. Certains n'y étaient pas encore arrivés. Je ne me sentais pas bien de les avoir lâchés comme ça au milieu de leur parcours en Belgique, même s'ils n'ont pas besoin de moi, personnellement. C'est des gens courageux qui se sortent de toutes les situations.

 

Et donc, après être restée trois semaines en Égypte, je suis finalement revenue en Belgique. Je voulais continuer ce projet mais dans la colocation que je venais de quitter, ce n'était plus possible. Donc, j'ai cherché un logement où je pouvais faire ça. Et j'ai atterri ici, à Waterloo, où Sophie fait de l'hébergement intensif. Le jour où je suis arrivée il y avait vingt personnes hébergées. Et voilà, j'ai replongé dedans et je n'arrive pas à arrêter. Chaque fois je me dis : "aller, quand ce groupe là est en Angleterre, j'arrête, je retourne en Égypte et je fais ma petite vie". Et puis il y en a un qui arrive à nouveau. Il s'arrange pour qu'il y en ait un autre qui suit. Et on se ré-attache. Et ça n'en finit pas. Jusqu'à maintenant, ça ne s'arrête pas. Et en fait, je n'ai pas envie d'arrêter.

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Petit coin reculé dans le jardin de Sylvie, son havre de paix qui lui permet de reprendre des forces

Quelle est ta motivation ? :

 

C'est toutes ces petites personnalités qui se dévoilent petit à petit. J'aime bien me lever le matin et les voir, ça me fait plaisir.

Et ton rêve :

 

Je suis en train de le réaliser, mon rêve.

Une phrase qui te décrit :

 

Les petites actions peuvent provoquer de grandes réactions et donc il ne faut jamais les dévaloriser.

 

C'est aussi la magie de cette plateforme citoyenne. Elle fonctionne grâce à des petites personnes comme moi qui arrive à relever un défi que le gouvernement ne prend même pas la peine de relever : loger et faciliter les déplacements des personnes vers leur hébergement grâce aux taxis bénévoles du réseau. C'est la somme de toutes ces petites actions qui font un grand résultat. Et je trouve ça fantastique. En plus, ça touche d'autres classes sociales. Normalement, les gens qui sont un peu dans la lutte, la lutte sociale, on va appeler ça la lutte humaniste, c'est souvent les mêmes gens, du même milieu. Là, ça a touché les bourgeois qui, peut-être par un sentiment de besoin, ont commencé à accueillir. Ils sont soudainement sensibilisés à quelque chose qu'ils ne connaissaient pas du tout avant.

 

Et donc, c'est merveilleux. Cette plateforme pour moi est un miracle qui, j'ai l'impression, va jouer un rôle. Un rôle qui sera de plus en plus central dans la politique belge. J'ai cette sensation. Même si on est apolitiques, ce serait le parti de l'humain, de l'humanisme. Qui a une forme et une voix et qui rassemble pleins de gens différents.

Ce que tu souhaites laisser aux générations futures :

 

Moi, j'aime bien laisser des arbres. Planter des arbres. Voilà, ça donnera des fruits et de l'ombre aux générations futures. Donc, les arbres, c'est un peu mes enfants. Tout comme eux (les personnes hébergées, ndlr). Ce n'est pas mes enfants, mais ils remplissent quand même un truc. Sauf qu'ils m'apprennent plus que moi je ne leur apprends.

Un dernier mot : 

 

Ce qui m'aiderait, c'est qu'il y ait encore plus d'hébergeurs et que je ne doive plus dire non. Parce que je dois souvent dire non. Sinon, on en aurait 150 à la maison.

 

Ce serait chouette, si notre gouvernement pouvait reconnaître notre action et nous aider financièrement.

 

J'aimerais qu'on applique l'égalité vraiment entre les humains. Qu'on reconnaisse que ces gens sont traumatisés et ont besoin de protection. C'est eux qui sont en danger, ils ne sont pas LE danger. Qu'on arrête de casser les vies de mineurs parce qu'il y en a plein qui restent trois ans dans certains pays, qui s'intègrent, qui apprennent la langue, qui se surinvestissent. Et après, on les relâche. Enfin, on leur refuse les papiers et on les jette. Ils ne savent plus où aller, ils ne peuvent pas rentrer chez eux et peuvent pas rester là. C'est des vies à haut potentiel qui sont détruites ou bien saccagées. Il faudrait vraiment mettre en place une protection des mineurs. Ce serait merveilleux aussi qu'on ouvre les frontières, évidemment. Ça, ce serait génial.

Le contexte : La rencontre avec Sylvie est la preuve de la puissance des réseaux sociaux. J'ai obtenu son contact via le contact d'un contact d'un ami. J'étais à Bruxelles, et en une matinée, le rendez-vous était fixé. Sylvie est la première femme que j'ai interviewé, la première personne hors de France également. Cet après-midi passé avec elle et les migrants qu'elle héberge restera gravé dans ma mémoire.

Interview réalisée le 25 janvier 2019 à Waterloo, en Belgique.

En savoir plus sur la plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés : https://www.bxlrefugees.be/

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